La photographie allait-elle rendre caduque la peinture ? Devait-on la compter au rang des arts ? Quelle voie la peinture pouvait-elle emprunter pour s’en démarquer ? Ces questions se sont posées aux artistes du XIXe siècle après l’invention de la photographie, puis, en 1895, celle du cinématographe. Elles irriguent depuis tant la peinture que la photo, qui ne s’est en définitive pas imposée, mais s’est nourrie des autres arts. Dans un parcours rassemblant cent cinquante œuvres d’une quarantaine de peintres et photographes, l’exposition dévoile ce constant dialogue, dont voici trois exemples admirés au fil du parcours.
« L’emprise historique de la peinture sur la photographie se traduit en premier lieu par le fait que ce nouvel art visuel hérite de la séparation des genres : portrait, paysage, scène de genre et nature morte. Pour chacun d’eux, peinture et photographie se nourrissent l’une l’autre et s’influencent mutuellement. »
Marion Ménard et Mariya Todorova, commissaires de l’exposition
L’œil de Gabriel Loppé
Passionné d’alpinisme, Gabriel Loppé fut le premier peintre à réussir l’ascension du Mont-Blanc, en 1861. Passionné par la montagne, il en a saisi les sommets et prairies un appareil photo dans une main, un pinceau dans l’autre. En photographie comme en peinture, il recherchait l’instantanéité et portait une attention particulière au cadrage, la pratique d’un médium trouvant un écho dans l’autre. S’il partageait avec les impressionnistes la quête de l’éphémère, peignant ou photographiant les rapides changements de temps qui s’opèrent en montagne, son style se voulait réaliste, comme en témoigne Au sommet de la montagne de la Côte, une œuvre de 1880.

Vues urbaines dans l’objectif de Blanc & Demilly
Théo Blanc (1891-1985) et Antoine Demilly (1892-1964) ont dirigé le plus important studio de photographie de Lyon, entre 1924 et 1951. Si ce sont les portraits qui ont fait leur succès, ils ont consacré une part importante de leur travail à leur ville, qu’ils ont parcourue appareil photo en mains. Leurs clichés de rues, quais et places révèlent une bonne connaissance de la peinture de leur temps et des similarités avec les œuvres des plus talentueux peintres urbains. Comment ne pas penser à Caillebotte devant La Place Le Viste, sa vue en contreplongée et son cadrage resserré ? Leurs photographies sont le fruit d’un véritable travail de composition, plus que des instantanés de la vie lyonnaise.

éd. Société des amis de Guignol, impression Audin. Villefranche-sur-Saône, musée municipal
Paul-Dini.
Anne-Sophie Emard, à la croisée des arts
La référence à la peinture est directe chez cette artiste, née en 1973, qui s’intéresse au traitement de l’image dans différents arts, dont le cinéma. Les grands et fascinants tirages exposés mettent en rapport deux images : un paysage et une mise en scène qui reproduit, grâce à des modèles venus poser dans son atelier, des détails de tableaux classiques, tels ceux de Nicolas Poussin. Ces références à la peinture sont davantage une interrogation sur la mémoire et la perception des images qu’un hommage direct. Confrontées à un paysage, elles invitent le spectateur non pas à observer chaque cliché, mais à s’imaginer l’« image-construction » issue de cette juxtaposition.

« Regarder, révéler. Dialogues entre peinture et photographie » jusqu’au 22 février 2026 au musée municipal Paul-Dini, place Marcel Michaud, 69400 Villefranche-sur-Saône. www.musee-paul-dini.com
À voir également : « Gabriel Loppé (1825-1913), peintre voyageur en quête de modernité » jusqu’au 4 janvier au musée des Ursulines, 5 rue de la Préfecture, 71000 Mâcon. www.macon.fr










