Un ancien directeur du Louvre déclarait il y a quelques années que son plus grand regret était que le musée ne possédât pas d'œuvre de Velázquez. La France malheureusement, au milieu du XIXe siècle, a laissé partir les tableaux des peintres alors incompris. Lorsque les impressionnistes expriment leur admiration pour Velázquez, il était déjà bien trop tard. L'Espagne célèbre le quatrième centenaire de la naissance de Velázquez par une exposition qu'on ne reverra de longtemps, sans doute jamais, tant paraît grand le risque de faire voyager des œuvres aussi précieuses. Si Manet a désigné Velázquez comme "le peintre des peintres", c'est que les autres grands maîtres des temps modernes, de Raphaël à Rubens, de Titien à Rembrandt, livrent les éléments d'un art dont Velázquez donne une expression achevée. Jamais la peinture n'avait atteint une telle maîtrise, une telle liberté, une telle vérité. On ne trouve dans les œuvres de Velázquez ni procédé, ni manière, ni parti pris qui éloigne le peintre de son sujet. L'artiste, détaché de son art, en utilise toutes les ressources à bon escient pour donner consistance au monde qui l'entoure dont il épargne aussi le contenu spirituel. Renoir, sensible à cette suprême élégance qui peut servir de modèle à tous les peintres, l'a baptisé l'aristocratie de Velázquez.