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Paris au XVIIIᵉ siècle, le célèbre plan de Turgot en couleurs enfin réimprimé

La récente publication par les éditions Douin d’une version en couleurs du fameux plan de Turgot, dessiné et gravé entre 1734 et 1739, est l’occasion d’un voyage historique et esthétique dans le Paris d’avant la Révolution. C’est le dernier plan de la capitale conçu « à vue d’oiseau ».
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Fréderic Douin
Frédéric Douin devant sa réédition du plan de Turgot assemblé. © Frédéric Douin

De 1734 à 1736, deux ans ont suffi à Louis Bretez, professeur de perspective et membre de l’Académie de Saint-Luc réunissant les maîtres peintres et sculpteurs de Paris, pour lever et dessiner ce plan commandé par Michel-Étienne Turgot, prévôt des marchands de la capitale et père du Turgot qui deviendra ministre de Louis XVI.

La capitale vue d’en haut

Il faut dire qu’à l’époque la ville et ses faubourgs étaient beaucoup moins étendus, environ la taille des onze premiers arrondissements, et que vraisemblablement Bretez s’est fait aider par des apprentis munis de cordes, d’équerres et de compas. Sa mission consistant à reproduire fidèlement à vol d’oiseau, c’est-à-dire vus en surplomb, églises, édifices, fontaines, places, monuments publics et demeures particulières, il disposait d’un mandat l’autorisant à entrer dans les hôtels, les maisons et les jardins.

Planche 6 : on distingue à gauche la prison de la Bastille (encore debout en 1734), la place Royale (aujourd’hui place des Vosges). Dans la partie droite, l'île Louviers, qui n'existe plus aujourd'hui car le bras de Seine a été comblé et l’île rattachée à la berge au XIXe siècle. On voit que le pont Marie est encore bordé de maisons et boutiques. 

Planche 6 : on distingue à gauche la prison de la Bastille (encore debout en 1734), la place Royale (aujourd’hui place des Vosges). Dans la partie droite, l’île Louviers, qui n’existe plus aujourd’hui car le bras de Seine a été comblé et l’île rattachée à la berge au XIXe siècle. On voit que le pont Marie est encore bordé de maisons et boutiques.  © Frédéric Douin

Paris comme vous ne l’avez jamais vu

Car ce plan était destiné à promouvoir l’image de la ville dans le royaume et à l’étranger. La perspective cavalière choisie nous plonge, par-delà les siècles, dans les rues d’un Paris très ancien, de la rivière de Bièvre à l’Isle des Cignes près des Champs Elizzées (orthographe de l’époque), alors des vergers prospères, en passant par la prison de la Bastille encore debout, la Bibliothèque du Roi ou les marais du Temple. « On s’est proposé en faisant graver ce Plan de la Ville de Paris, de faire voir d’un seul coup d’Œil, tous les Édifices, et toutes les Rues qu’elle renferme, ce qui ne pouvait s’exécuter qu’en prenant quelques licences, que les Règles austères de la Géométrie et de la Perspective condamnent ; mais sans ces licences, on aurait perdu une partie des Objets les plus intéressants, qui se seraient trouvés cachés par d’autres ou entièrement défigurés », indique en bas du plan un élégant cartouche. Qui poursuit modestement : « Quoi qu’on ait cherché à donner par cet Ouvrage une juste idée de cette Ville, on ne se flate pas d’y être parvenu n’estant pas pofsible de rendre parfaitement à la fois, et l’Immensité de cette Capitale, et la Magnificence de toutes les parties qui la Composent1. »

Planche 8 : au centre droit, l’Observatoire de Paris où est figuré en petit, dans le jardin, une lunette astronomique. On remarque de nombreux jardins, qui seront remplacés ensuite par le faubourg Saint-Michel. Ils permettaient de nourrir les Parisiens sans avoir besoin de faire venir les denrées alimentaires d’autres régions.

Planche 8 : au centre droit, l’Observatoire de Paris où est figuré en petit, dans le jardin, une lunette astronomique. On remarque de nombreux jardins, qui seront remplacés ensuite par le faubourg Saint-Michel. Ils permettaient de nourrir les Parisiens sans avoir besoin de faire venir les denrées alimentaires d’autres régions. © Frédéric Douin

Un plan monumental…

Les vingt feuilles au format 90 x 60 cm, dessinées « au crayon de pierre de mine », c’est-à-dire à la mine de plomb, et à l’encre de Chine, furent gravées sur cuivre par Coquart et Claude Lucas de 1736 à 1739. Tirées à 2 500 exemplaires par Pierre Thévenard, taille-doucier rue Saint-Jacques, haut lieu de l’imprimerie à l’époque, elles furent reliées en volumes et offertes au Roi, aux princes et puissants du Royaume, aux membres des différentes académies, ainsi qu’aux cours étrangères. Si on assemble les vingt feuilles, les dimensions, 3,60 mètres de large, 3 mètres de haut, sont colossales. « Cette surface embarrasserait plus d’un amateur parisien, trop étroitement logé pour en garnir son cabinet », notait en 1851 Alfred Bonnardot dans ses Études archéologiques sur les anciens plans de Paris.

… en couleurs

Au XIXe siècle, certains collectionneurs avertis font coloriser ce plan, de manière à en rendre la consultation plus attrayante et l’impression de réalité plus saisissante. C’est par un tel exemplaire aquarellé, devenu rarissime, que Frédéric Douin, informaticien, libraire et éditeur amoureux « des livres où on apprend quelque chose », est ébloui, voici une vingtaine d’années, en le découvrant dans un salon du livre ancien. La version classique en noir et blanc repérée chez son voisin de stand l’a déjà fasciné et il a passé de longs et délicieux moments à l’examiner en détail. Aussi quand son confrère finit par lui montrer son exemplaire en couleurs, qui bien sûr n’est pas à vendre, cet entrepreneur curieux et créatif n’a-t-il de cesse de trouver un moyen de le diffuser.

Planche 14 : à l’extrême gauche, la porte Saint-Denis, tout à fait à droite, la place des Victoires, restée inchangée par rapport à cette image de 1734. En dessous de la place des Victoires, la grande bibliothèque du Roi (actuelle Bibliothèque nationale de France).

Planche 14 : à l’extrême gauche, la porte Saint-Denis, tout à fait à droite, la place des Victoires, restée inchangée par rapport à cette image de 1734. En dessous de la place des Victoires, la grande bibliothèque du Roi (actuelle Bibliothèque nationale de France). © Frédéric Douin

Remonter le temps

Spécialiste de la numérisation, Frédéric Douin réédite des livres anciens et introuvables, sur papier ou en ligne. Pendant 20 ans, cette idée ne le quittera pas. Après avoir numérisé le plan en couleurs, il tente quelques essais, comme une version sur cd-rom, puis en 2010 une coédition sur papier à l’échelle ½, qui se révèlent sans suite. Début 2024, il repense à ce projet qui décidément lui tient à cœur et trouve la bonne formule : rééditer au format original ces vingt planches, auxquelles il en ajoute une contenant le plan assemblé et une autre comportant des textes de présentation signés Alfred Bonnardot et lui-même. L’ensemble sera tiré en offset à 1 000 exemplaires et présenté dans une belle boîte fabriquée par l’atelier Iscomée. Il réalise une maquette et lance une souscription qui rencontre un succès immédiat : en trois jours, 50 exemplaires sont pré-vendus. Cet engouement est aisément compréhensible : s’immerger dans ces planches qui ont été délicatement colorisées, c’est comme remonter le temps sur les ailes du rêve, être soudain doté, comme le passe-muraille, du pouvoir magique de traverser les façades pour pénétrer dans des palais magnifiques et des jardins secrets. Enchantement garanti !

Plan de Paris dit de Turgot, 1734-1739. Première et unique édition en couleurs à l’échelle originale de ce célèbre plan. 22 feuilles de 90 x  60 cm, pliées en deux et insérées dans une boîte illustrée fabriquée par l’atelier Iscomée, 45 x 60 cm ; 20 planches originales numérisées en haute définition à partir d’un plan d’époque aquarellé. Ont été ajoutées une planche complémentaire contenant le plan assemblé et une planche de textes de présentation en français et en anglais. Impression : Corlet-Condé en Normandie, éditions Douin, 2024, Prix : 250 €. Courriel : fred.douin@gmail.com, www.livres anciens.fr

1 L’orthographe de l’époque a été respectée.

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