N° 311 - Mars 2006
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ISSN : 1141-7137
Tout comme les premiers empereurs romains chrétiens, en particulier Constantin, les rois de France ont voulu se faire inhumer dans une basilique prestigieuse qu'ils avaient particulièrement honorée de leur vivant et où ils souhaitaient reposer. C'est ainsi que Clovis, rompant avec la tradition barbare de sépulture sous tumulus, fit construire au sommet d'une colline qui domine la rive gauche de Lutèce, une basilique dédiée aux Saints-Apôtres qui était vraisemblablement liée à à mausolée funéraire, sans doute de plan centré. Ses successeurs firent de même mais dans d'autres édifices (Sainte-Geneviève, Saint-Germain-des-Prés, Saint-Denis). Les Carolingiens reprirent cette coutume mais se firent inhumer eux aussi, en différents endroits. Il fallut attendre Saint Louis pour voir se définir une véritable politique funéraire s'agissant des rois, des reines et des enfants de France. Il choisit, pour ce faire, l'abbatiale de Saint-Denis qui devint ainsi le ?cimetière des rois?.
Lorsque le 21 mars 1098, Robert de Molesme fondait le ?nouveau monastère? aux portes de Dijon, qui prit rapidement le nom de Cîteaux, il voulait imposer une plus stricte observance à la nouvelle communauté. La ?vie au désert? imposait des décisions particulièrement lourdes par rapport à Cluny qui avait trouvé des accommodements. C'est ainsi que les laïcs n'étaient pas admis à assister aux offices religieux et restaient à la porte de l'édifice, laissée seulement ouverte. Cet ostracisme envers les vivants a été étendu aux morts, afin d'éviter des cérémonies qui auraient troublé la liturgie monastique. La demande était telle que le chapitre est en général intervenu à plusieurs reprises pour éviter des débordements dangereux. En 1152, il admit que les fondateurs d'un monastère pourraient être admis après leur mort à l'intérieur de l'enceinte du monastère. C'est ainsi que les ducs de Bourgogne, fondateurs de Cîteaux, ont été inhumés non dans l'abbatiale, mais sous le porche. Ce même chapitre général de 1152 rappellera que seuls les rois, les reines, les archevêques et les évêques pouvaient être inhumés à l'intérieur de l'église dont ils avaient été les fondateurs. Les demandes soumises au chapitre ont été très soigneusement étudiées. Adèle de Champagne (morte en 1206), la seconde femme de Louis VII (mort en 1180) qui s'était fait inhumer à Barbeau alors que sa première femme Constance de Castille (morte en 1160) l'avait été à Saint-Denis, se vit refuser l'autorisation de reposer à côté de son royal époux, mais autorisée par le pape à être enterrée dans l'abbatiale de Pontigny parce qu'elle était la fille du fondateur, Thibaut de Champagne.
Auteur : Erlande-Brandenburg (A.)
Magazine : Dossiers d'Archéologie n° 311 Page : 42-45