La référence sur François Pompon

Voici un ouvrage qui fera date dans l’étude de l’œuvre de François Pompon (1855-1933). Si la bibliographie le concernant est nombreuse, quoique éparse, jamais une telle synthèse, à la fois catalogue raisonné et biographie très documentée fourmillant d’analyses, n’avait encore vu le jour. C’est désormais chose faite grâce au travail conjoint de Liliane Colas, expert de François Pompon sur le marché de l’art et historienne de l’art animalier des années 1930, et Côme Remy, expert agréé en arts décoratifs des XXe et XXIe siècles. Après une dense biographie illustrée en couleurs, le propos s’oriente vers le processus créatif de l’artiste (à travers des croquis largement méconnus), et la diffusion et postérité de son œuvre. Puis est répertoriée l’intégralité des pièces éditées et fondues du vivant de Pompon. Enfin, le livre s’achève sur des extraits inédits de ses livres de comptes. S’il est considéré aujourd’hui comme l’un des maîtres incontestés de la sculpture animalière, l’on en oublie parfois que son parcours académique, qui le conduisit jusque dans l’atelier de l’illustre Rodin, le poussa initialement vers la statuaire et le portrait. La postérité résume souvent sa carrière à son génial Ours blanc, couronné de succès au Salon d’Automne de 1922 (l’année de ses 67 ans !), mais la présente étude vient judicieusement rappeler combien le parcours de Pompon fut semé de rendez-vous longtemps manqués avec la critique et les institutions. S’il eut très tôt l’intuition confuse que l’animal était fondamentalement son sujet de prédilection, celui dans lequel il pourrait donner toute sa pleine mesure, il persista néanmoins jusque très tard dans son étude de la figure humaine, dont nul ne reconnut jamais véritablement la singularité – pourtant manifeste dans sa poignante Cosette (musée de Saulieu), notamment. Ce n’est finalement que dans ses toutes dernières années qu’il perfectionna et imposa son style – pur et sauvagement radical – pour embrasser le succès tant attendu. Vous pensiez tout connaître de François Pompon ? Il vous surprendra à bien des égards… Florie Lafond-Cornette
Liliane Colas et Côme Rémy, Pompon. L’œuvre complète, Norma éditions, 2025, 416 p., 65 €.
Un régal d’anthologie

« Le conte est difficile à croire / Mais tant que dans le monde on aura des enfants / Des mères et des mères-grands / On en gardera la mémoire », disait Charles Perrault (1628-1703). On ne peut que lui donner raison tant le besoin de raconter et d’écouter des histoires – truffées de personnages tour à tour énigmatiques, rocambolesques, inquiétants ou bienveillants – demeure encore aujourd’hui intact. En témoigne ce luxueux coffret en quatre volumes imaginé par les éditions Citadelles & Mazenod, qui rassemble une soixantaine de contes de Perrault, des frères Grimm, d’Andersen mais aussi de contrées plus lointaines. Si l’on se replonge avec délice dans les célèbres classiques que sont Le Petit Poucet, Hansel et Gretel ou Le Petit Chaperon rouge, l’on découvre avec non moins de plaisir des contes venus de Russie, d’Inde ou du Japon. Cerise sur le gâteau, ces récits qu’on ne se lasse pas de relire sont accompagnés de délicates images signées des plus grands illustrateurs du début du XXe siècle. Une belle occasion de ravir les plus petits, qui forgeront ainsi un riche imaginaire, et de renouer, pour les plus grands, avec la magie de l’enfance. Florie Lafond-Cornette
Contes de Perrault, Grimm, Andersen et ailleurs, Citadelles & Mazenod, 2025, 4 volumes en reliure intégra sous étui, 764 p., 149 €.
Le monde merveilleux de Jakuchū

En 2018, les visiteurs du Petit Palais découvraient, émerveillés, le style enchanteur de l’excentrique Itō Jakuchū (1716-1800), à la faveur de la première exposition européenne de son chef-d’œuvre : les trente rouleaux verticaux du Royaume coloré des êtres vivants (1757-1766), précieusement conservés au sein des collections impériales du Japon. Sept ans plus tard, Joséphine Bindé, normalienne et journaliste spécialisée dans l’art, propose de replonger au cœur de ce fascinant bestiaire sur soie à travers une luxueuse édition reproduisant une centaine de ses œuvres, dont cette emblématique série. Au fil des pages, son majestueux phénix blanc et son paon chamarré, ses coqs flamboyants et ses faisans dorés, s’offrent à l’admiration du lecteur, révélant un extraordinaire sens de l’observation, une maîtrise subtile de la couleur et une virtuosité technique qui consacrent Jakuchū comme l’une des figures les plus singulières de la période Edo. Olivier Paze-Mazzi
Joséphine Bindé, Itō Jakuchū : la nature enchantée, Hazan, 2025, 224 p., 49,95 €.
De l’autre côté du miroir

160 ans après sa parution, le chef-d’œuvre de Lewis Carroll (1832-1898) se dévoile sous un nouveau jour, grâce aux illustrations hautes en couleur de Yayoi Kusama (née en 1929). L’univers foisonnant de l’écrivain anglais se marie à merveille avec les créations psychédéliques de l’artiste japonaise, que la Fondation Beyeler en Suisse met actuellement à l’honneur. La fascination pour l’infini de Kusama se conjugue harmonieusement à l’imaginaire débridé de Carroll, qui invitait ses lecteurs – les grands comme les petits –, et non sans audace pour l’austère époque victorienne, à passer de l’autre côté du miroir. Florie Lafond-Cornette
Lewis Carroll, illustrations de Yayoi Kusama, Alice au Pays des Merveilles, Chêne, 2025, 192 p., 29,90 €.
Une nouvelle collection littéraire

L’École des Arts joailliers et la maison d’édition italienne Franco Maria Ricci ont donné naissance à une collection d’ouvrages inédite baptisée Dédale. Partageant une même soif de diffusion des savoirs artistiques et littéraires, les deux institutions ont rassemblé leurs forces pour rééditer des classiques littéraires, pour certains peu connus du grand public. Ils sont tous précédés d’une préface signée d’un auteur de référence et d’une introduction confiée à un expert de l’école, mais aussi accompagnés d’illustrations soignées. Trois premiers opus ont ainsi déjà paru : L’île aux trésors de Robert Louis Stevenson (illustrations de David B.), La collection invisible de Stefan Zweig (suivi de tableaux de la série Les Collectionneurs d’estampes d’Honoré Daumier), et Laura. Voyage dans le cristal de George Sand (sublimé par les images de Wenzel Hablik). Ils ont en commun de faire écho à l’univers de la joaillerie, des pierres et de l’art. Chaque titre est disponible dans une édition standard, très accessible, ou dans une édition prestige, sous coffret, davantage destinée aux bibliophiles. Un quatrième titre, dont le contenu n’est pas encore connu, viendra prochainement compléter cette collection pleine de promesses. Florie Lafond-Cornette
Collection Dédale, L’École des Arts joailliers et Franco Maria Ricci, 2025, disponible en trois langues (français, anglais, italien) et dans deux éditions (standard ou prestige). Pagination et prix variables selon les titres.
Un nouvel ouvrage sur Michel-Ange qui fera date

Quelle prodigieuse nouvelle étude sur Michel-Ange que celle-ci ! Plus de soixante-cinq années se sont écoulées depuis les magistraux cinq volumes de Charles de Tolnay consacrés aux sculptures de Michel-Ange ; dans cet ouvrage, tout était loin d’avoir encore été dit. De nombreuses nouvelles études sont apparues, en particulier le remarquable ouvrage de Cristina Acidini Luchinat (2005). Jean-René Gaborit, qui s’est plongé dans l’étude de ce sculpteur pendant des décennies, les accepte ou les discute. Pour plus de clarté, il divise son étude en cinq parties, distinguant les sculptures authentiques de celles que l’on peut lui attribuer ou qui ont été perdues, certaines autres ayant été réalisées par différents sculpteurs d’après ses projets et ses dessins et éventuellement sous sa direction ; ces chapitres démontrent la complexité de toute approche du sujet. Gaborit dénonce également les faux. Parmi les découvertes récentes, le Cupidon archer dont la documentation est convaincante, en dépit du corps malingre du Cupidon modelé sommairement. Le regard personnel que Gaborit porte sur les sculptures du maître se traduit dans ses descriptions et ses remarques, aussi sensibles qu’éloquentes, et aiguise notre propre regard. L’illustration, abondante, permet de montrer les sculptures sous plusieurs angles. L’auteur leur ajoute autant que possible des dessins, préparatoires du maître ou faits d’après ses œuvres, et tant de modèles en terre cuite disséminés aux quatre coins du monde qui permettent d’en découvrir l’élaboration. Il analyse de surcroît l’authenticité de nombreux petits bronzes qui en sont des variantes. Il étudie par ailleurs les sculptures qu’elles ont inspiré à certains artistes contemporains comme Vincenzo Danti ou Pierino da Vinci, ou d’autres encore réalisées probablement sur ses modèles, telles que le Saint Côme de Montorsoli ou le Saint Damien de Raffaelle da Montelupo dans la Nouvelle Sacristie de San Lorenzo à Florence. À propos du portrait en buste de Michel-Ange dû à son ami Daniele da Volterra, dont tant d’exemplaires en bronze sont connus, on est surpris que n’ait pas été prise en compte la remarquable étude que leur a récemment consacrée Dimitrios Zikos. La lecture passionnante du livre de Gaborit nous conduit de découverte en découverte et nous fait prendre conscience que le chapitre Michel-Ange sculpteur est loin d’être clos. De nombreux points d’interrogation subsistent et nous pouvons espérer que d’autres sculptures nous seront un jour révélées. Françoise de La Moureyre
Jean-René Gaborit, Les sculptures de Michel-Ange. Le vrai, l’incertain et le faux, éditions Faton, 2025, 528 p., 59 €.
Stimulantes réflexions sur les fleurs dans l’art

Clélia Nau consacre un ouvrage passionnant à la façon dont toutes catégories d’artistes ont utilisé les fleurs dans leurs créations, amenant le lecteur à réfléchir sur le symbolisme que revêtent les fleurs associées à des peintures religieuses ou mythologiques, comme la Vénus de Lorenzo Lotto dont des roses s’effeuillent sur son corps nu ; à réfléchir aussi à la signification des fleurs, souvent porteuses de sentiments et montrées sur des portraits, telle l’orchidée à la boutonnière du Marcel Proust de Blanche, et sur les nombreuses effigies féminines dues à Ingres ou au baron Gérard. Des illustrations, somptueuses et souvent inédites, confortent ce riche propos. Françoise de La Moureyre
Clélia Nau, La parade des fleurs, Leçons de peinture, Hazan, 2025, 288 p., 110 €.
Les mondes de Colette

Dans le prolongement de l’exposition « Les Mondes de Colette » à la BnF – François-Mitterrand, ce beau livre explore les mille vies d’une femme exceptionnelle qui fut journaliste, auteure à succès, scénariste, gymnaste ou encore artiste de music-hall. Figure inclassable, elle se dévoile ici à travers des essais d’historiens, de personnalités engagées ou d’artistes, enrichis de 150 documents, photographies, manuscrits et ouvrages illustrés de Colette. Son rapport au désir, à l’identité, à la nature, à la maternité ou encore à la politique sont ici autant de portes d’entrée vers l’univers – ou plutôt les univers – de cette femme de lettres éprise de liberté. Raphaël Buisson-Rozensztrauch
Émilie Bouvard, Julien Dimerman & Laurence Le Bras (dir.), Les Mondes de Colette, coédition BnF / Gallimard, 2025, 240 p., 35 €.
Extraordinaire Camille Claudel

Le tragique destin de la sœur de Paul Claudel, la sculptrice Camille Claudel (1864-1943), et son abondante œuvre sculptée sont bien connus de nos jours. Qu’elle ait été la maîtresse, l’associée et l’inspiratrice d’Auguste Rodin, on ne le sait que trop, mais ce ne fut qu’un temps. Dans cet important ouvrage, d’une rédaction parfois compliquée, toutes ses œuvres sont analysées et reproduites, le catalogue comportant non seulement ses 92 sculptures, mais aussi ses 35 œuvres graphiques, remarquables et, quant à elles, fort peu connues. Françoise de La Moureyre
Anne Rivière et Bruno Gaudichon, Camille Claudel, l’expression farouche de l’intime, Hazan, 2025, 280 p., 110 €.
Dominique Perrault, la monographie

Célèbre en France pour son projet de nouvelle Bibliothèque nationale inaugurée en 1995 dans le quartier Tolbiac à Paris, Dominique Perrault est le héros d’une remarquable monographie illustrée, publiée chez Gallimard. Né en 1953 à Clermont-Ferrand, il sort en 1978 diplômé architecte DPLG de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Également urbaniste, artiste, membre de l’Institut, il est l’auteur – avec son agence, car l’architecte, même s’il possède l’intelligence du geste et qu’il est une star, s’appuie sur une équipe – de nombreux bâtiments, en France bien sûr ainsi que dans d’autres pays d’Europe, de la mer du Nord à la Méditerranée, et jusqu’en Asie. Les exemples foisonnent, depuis des édifices créés ex nihilo, nécessitant une attention particulière à l’inscription dans le site où ils vont prendre place, à des aménagements comme celui du pavillon Dufour au château de Versailles. Le livre, scandé en quatre actes, rend bien compte de la démarche de l’architecte : « Topographier » (critique des fondamentaux), « Cartographier » (l’intelligence collective), « Écrire » (attitude de l’écriture), « Réécrire » (un nouveau multiple), et permet d’entrer dans les projets de leur conception à leur réalisation. On le voit mettre au point un vocabulaire de formes toujours renouvelé qui correspond à l’usage du bâtiment, qu’il soit centre de conférences Usinor- Sacilor à Saint-Germain-en-Laye, musée d’ethnographie à Budapest, Pixel Tower à Séoul, tour Fukoku à Osaka, Hôtel Métropole ou poste du Louvre à Paris. « Mes projets sont intimement liés à la géographie, à un site, à un contexte », confie Dominique Perrault. Les 2 000 illustrations – croquis, dessins préparatoires, élévations, vues 3D, photographies… – constituent une documentation précieuse et variée qui renseigne, au-delà de l’aspect esthétique du métier, sur les questionnements éthiques, sociétaux, humains soulevés par tout geste architectural. Il s’agit d’observer et penser le monde, de saisir le genius loci (l’esprit du lieu), d’en restituer sa perception pour la donner à voir, à vivre ; et c’est aussi un métier d’innovation, par le recours à des procédures ou matériaux inédits. « L’architecture, c’est de l’art appliqué, c’est-à-dire qu’elle incarne un ensemble qui n’est pas autonome conceptuellement, et sa grandeur, comme sa servitude, c’est d’être utile. Ce qui ne lui permet pas d’accéder à la dimension de l’art, pour lequel l’utilité n’est pas requise », précise Dominique Perrault. Plusieurs entretiens – avec Éric de Chassey ou Barry Bergdoll – offrent une approche sensible de l’homme, de ses influences, de sa singularité dans le paysage de l’architecture d’aujourd’hui. Une très belle rétrospective de l’œuvre de Dominique Perrault, à la fois somme et manifeste. Marie Akar
Dominique Perrault, avec la collaboration de Nina Léger, Éric de Chassey et Barry Bergdoll, Gallimard, 2025, 440 p., 59 €.
Paul Poiret, « roi de la mode »

« Poiret vint et bouleversa tout », résume Christian Dior. Ce couturier novateur, précurseur de l’Art déco qui a libéré la femme de son corset, est actuellement en majesté au Musée des Arts Décoratifs. Haut en couleur, le catalogue de l’exposition lui rend un vif hommage en explorant sa personnalité flamboyante, son univers envoûtant et l’influence profonde qu’il n’a cessé d’exercer sur les grands couturiers (John Galliano, Yves Saint Laurent, etc.). Toute l’effervescence des premières décennies du XXe siècle éclate au fil des pages, tandis que l’on découvre le parcours de Paul Poiret ponctué de collaborations avec des artistes d’avant-garde, de voyages et de fêtes mémorables. Myriam Escard-Bugat
Paul Poiret. La mode est une fête, catalogue d’exposition, Paris, Musée des Arts Décoratifs, coédition Gallimard / MAD, 256 p., 45 €.
Petits carnets pour grandes expos

Avec leur format poche et des doubles pages qui se déplient, les Carnets d’expos sont de petits ouvrages originaux destinés à accompagner les plus grandes manifestations du moment. Publiés par Gallimard en coédition avec les musées, ils sont rédigés par des commissaires d’exposition. Les trois derniers volumes nous invitent à découvrir l’œuvre de Soulages, David et Sargent.
Alfred Pacquement, Soulages. Une autre lumière ; Sébastien Allard, Jacques-Louis David ; Caroline Corbeau-Parsons, Sargent. Éblouir Paris, coédition Gallimard / GrandPalaisRmn ; musée du Louvre ; musée d’Orsay, 64 p., 2025, 11,50 €.
Frida Kahlo, la vie et l’œuvre

Suzanne Barbezat, guide touristique passionnée de culture mexicaine, retrace dans un joli livre abondamment illustré la vie tortueuse de Frida Kahlo. Depuis sa jeunesse à Mexico, marquée par un grave accident qui faillit lui coûter la vie en 1925, jusqu’à sa reconnaissance internationale qui l’érige en véritable icône mexicaine, en passant par ses expérimentations au crayon, à l’aquarelle et à l’huile, l’auteure reconstitue la trame d’une vie hors du commun, celle d’une artiste au style unique et immédiatement reconnaissable, dont les œuvres picturales scandent le récit.
Un nouvel ouvrage de la collection luxueusement reliée « L’art plus grand » dédié à Frida Kahlo, proposant une immersion graphique dans l’univers de l’artiste, avec des reproductions d’une cinquantaine d’œuvres, parmi lesquelles plusieurs grands formats dépliables, intéressera également les afficionados de la native de Coyoacán. Raphaël Buisson-Rozensztrauch
Suzanne Barbezat, Frida Kahlo. À la vie, à la mort, Flammarion, 2025, 200 p., 28 €.
Inès Boittiaux, Frida Kahlo. L’art plus grand, Hazan, 2025, 124 p., 39,95 €.
Lumière sur Soulages

Trois ans après sa disparition, Pierre Soulages (1919-2022) suscite toujours autant d’intérêt. Les visiteurs se pressent au musée du Luxembourg où une exposition présente l’œuvre graphique de l’artiste, pour le dévoiler sous « une autre lumière ». Bel objet à mettre entre toutes les mains, le catalogue conserve la mémoire des 130 feuilles au brou de noix, à l’encre ou à la gouache exceptionnellement réunies. Complices dans l’organisation de l’exposition, Alfred Pacquement et Camille Morando ont également cosigné le cinquième et dernier volume du catalogue raisonné des peintures de Soulages (Gallimard), à destination des amateurs les plus pointus. Parachevant l’ambitieuse entreprise menée par Pierre Encrevé jusqu’à son décès en 2019, ces deux éminents spécialistes rassemblent dans cet ultime opus les 196 peintures réalisées entre le 31 mai 2013 et le 22 mai 2022, sous le regard attentif de Colette Soulages qui signe la préface. Myriam Escard-Bugat
Pierre Soulages. Peintures sur papier, catalogue d’exposition, Paris, musée du Luxembourg, coédition RMN / Grand Palais, 208 p., 45 €.
Camille Morando, Alfred Pacquement, Soulages. L’œuvre complet V : peintures 2013-2022, Gallimard, collection Livres d’Art, 312 p., 149 €.
(Re)voir Matisse

Ces deux somptueux ouvrages nous proposent une éblouissante immersion dans l’œuvre d’Henri Matisse. Hazan met enfin à la portée de tous le mythique Jazz imprimé par Tériade en 1947. Cette réédition de grande qualité délaisse le prestigieux in-folio originel au profit d’un in-quarto plus accessible qui permet de naviguer avec bonheur entre les vingt planches « aux timbres vifs et violents » et les pensées éparses de l’artiste, amplement tracées à l’encre noire. Le peintre a près de 80 ans lorsqu’il met la dernière touche à Jazz, œuvre d’art totale qui laisse transparaître son intérêt pour le voyage, un thème qui sert de fil rouge à la monographie que Stéphane Guégan publie chez Gallimard. D’une plume toujours alerte, l’historien de l’art nous entraîne sur les pas du maître, de Collioure à Séville et de Tanger à Tahiti ; une belle manière d’appréhender l’œuvre de Matisse sous le signe de l’ouverture aux autres ! Myriam Escard-Bugat
Stéphane Guégan, Matisse sans frontières, Gallimard, 224 p., 45 €.
Henri Matisse, Jazz, réédition, Hazan, 160 p., 45 €.
Des petits livres pop !

Lancée au printemps dernier, la collection Pop-Art de Gallimard séduit un vaste public. Ces petits livres-objets ludiques mêlent des textes accessibles confiés à des historiens de l’art et un pliage pour se transformer en œuvre en 3D. Les quatre nouveaux volumes sont dédiés à Vermeer, Turner, Munch et au Douanier Rousseau.
Léonie Marquaille, Johannes Vermeer ; Claire Maignon, Edvard Munch ; Marion Alluchon, Le Douanier Rousseau ; Amandine Rabier, J.M.W. Turner, Gallimard, Pop-Art, 44 p., 8,90 €.
Un grand serviteur des arts : le comte d’Angiviller

Immortalisé par Greuze dans un somptueux portrait aujourd’hui conservé à New York, Charles Claude de La Billarderie, comte d’Angiviller (1730-1809), nous apparaît en homme raffiné, prisant les gilets brodés et les habits de soie. Si son visage nous est familier, le véritable roman que fut sa vie demeurait, lui, à écrire. Alors que l’on célèbre, cette année, le 250e anniversaire du sacre de Louis XVI, l’éditrice Monelle Hayot et l’historien de l’art Antoine Maës offrent enfin à celui qui fut son tout-puissant directeur des arts l’indispensable monographie que les amateurs d’art attendaient. Elle retrace le destin de ce militaire, nommé à l’âge de vingt-neuf ans gentilhomme de la manche en charge de l’éducation des petits-fils de Louis XV. Il affiche très tôt une nette préférence pour le petit duc de Berry, futur Louis XVI qui, à son avènement en 1774, récompense son amitié en le nommant directeur des Bâtiments, fonction qu’avait quittée, un an plus tôt, le marquis de Marigny, lassé des caprices du vieux roi. Doté d’une exceptionnelle puissance de travail, le comte d’Angiviller assume une charge immense : c’est toute la politique artistique du règne qui relève désormais de son autorité. Le château de Versailles et le quartier de Clagny, Compiègne, Rambouillet, l’Observatoire, la saline royale d’Arc-et-Senans, le théâtre de l’Odéon… Cet ordonnateur de grands travaux intervient partout, imprimant inlassablement sa marque sur le paysage architectural des dernières années de l’Ancien Régime. Le comte entend rompre avec les frivolités de la fin du règne précédent pour promouvoir une esthétique plus grave, revivifiée aux sources de l’Antique. C’est dans ce contexte qu’il lance la fameuse série des Hommes illustres de France, vaste programme sculptural exaltant les gloires nationales et mobilisant les meilleurs sculpteurs du temps, avant de passer commande à David, en 1782, de l’emblématique Serment des Horaces. Aujourd’hui au Louvre, ce chef-d’œuvre néoclassique permet d’évoquer le rôle central que joua le comte d’Angiviller dans la création du musée, ambitieux projet royal que la Révolution ne fera qu’achever. Alors que tourne le vent de l’Histoire, ce grand serviteur de l’État demeure fidèle au roi : après une première émigration en Espagne, il retourne en France, avant d’être contraint de prendre la route de l’Allemagne ; il n’en reviendra jamais et s’éteindra en 1809 dans le plus grand dénuement. En conclusion de l’ouvrage, un manuscrit inédit vient compléter ce portrait sensible dressé par les auteurs : il s’agit de la retranscription complète des Mémoires de Narcisse, le secrétaire du comte, rédigés au soir de sa vie à partir des entretiens, soigneusement recopiés, entre son maître et Louis XVI. Olivier Paze-Mazzi
Monelle Hayot et Antoine Maës, Le comte d’Angiviller, directeur des Arts sous Louis XVI, Éditions d’art Monelle Hayot, 2025, 384 p., 60 €.
Le Grand Dauphin sur les marches du trône

Fils de roi, père de roi et jamais roi, voici le destin tragique du Grand Dauphin, figure méconnue et pourtant passionnante du Grand Siècle. S’il est enfin remis en lumière par l’exposition d’envergure que lui consacre actuellement le château de Versailles, le catalogue foisonnant qui l’accompagne explore par le détail une existence sur les marches du trône. Fils de Louis XIV et de Marie-Thérèse, Louis de France (1661-1711), Monseigneur (devenu le Grand Dauphin après sa mort), était appelé à régner sur le trône le plus puissant d’Europe et reçut donc une éducation aussi soignée que moderne, avant de jouer un rôle prépondérant dans la vie de Cour, notamment à Versailles. De son mariage avec une princesse bavaroise il eut trois fils dont le cadet, le duc d’Anjou, devint roi d’Espagne sous le nom de Philippe V, mais il mourut avant son père et n’accéda jamais au trône… Ses goûts pour la musique et la chasse, ses fabuleuses collections et la splendeur de son domaine de Meudon faisaient pourtant de lui le prince idéal. Cet ouvrage majeur met en lumière sa vie, son statut et son rôle de mécène des arts.
Lionel Arsac (dir.), Le Grand Dauphin (1661-1711). Fils de roi, père de roi et jamais roi, éditions Faton, 472 p., 54 €.
Deux classiques du Trecento réédités

Deux très beaux ouvrages à glisser sous le sapin ? La Divine Comédie, œuvre incontournable du poète et diplomate Dante Alighieri, et Le Décaméron de Boccace s’offrent de nouvelles et splendides éditions pour les fêtes. L’écrivain et collectionneur Daniel Thierry guide le lecteur à travers les principales facettes de la création littéraire incomparable de Dante au début du XIIIe siècle, au fil d’essais recontextualisant la pensée du Poeta dans une époque de troubles et de foisonnements politiques et religieux, le tout enrichi de centaines d’illustrations montrant l’impact du Florentin sur des artistes aussi divers que Giotto, Raphaël, Gustave Doré, Eugène Delacroix ou encore William Blake. Son compatriote et disciple, Boccace (1313-1375), est également mis à l’honneur dans une nouvelle traduction, dirigée par Christian Bec, agrémentée de nombreuses œuvres du Trecento attestant de la puissance graphique de ce chef-d’œuvre annonçant la Renaissance italienne. Raphaël Buisson-Rozensztrauch
Daniel Thierry, La Divine Comédie. L’univers de Dante, Éditions Gourcuff Gradenigo, 2025, 444 p., 140 €.
Jean Boccace, Le Décaméron, traduction dirigée par Christian Bec, Éditions Diane de Selliers, 2025, 660 p., 68 €.










