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Éditions Faton - Grandes questions de l'archéologie - Grandes questions de l’archéologie : « La France archéologique ? »

Grandes questions de l’archéologie : « La France archéologique ? »

Il est beaucoup question de « la France », ces temps-ci. Quoi de plus normal, puisque nous sommes en France, même si ces débats ont parfois de bonnes, mais aussi de mauvaises raisons.
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statue Vercingétorix
Statue de Vercingétorix (détail) près du site archéologique d’Alésia. © Wikipédia / Carole Raddato

Il n’a pas été indifférent que le thème des Rendez-vous de l’histoire de Blois, l’incontournable rencontre annuelle des historiens français, ait été cette année « La France ? » avec un point d’interrogation lourd de (diverses) significations.

La France d’avant la France

Dans l’une des toutes premières synthèses, qui fut aussi un best-seller, sur l’archéologie protohistorique de l’actuel territoire français, La France d’avant la France, publiée en 1980 par Jean Guilaine, ce dernier prenait ainsi position sur le fait qu’au Néolithique et aux Âges des métaux, ce n’était pas encore « la France ». En 2014, les historiens Charles Mériaux et Geneviève Bührer-Thierry publiaient, sous un titre quasiment identique, un ouvrage cette fois consacré au haut Moyen Âge, La France avant la France (481-888), considérant ainsi que l’on ne pouvait toujours pas parler de « France » à cette époque.

Le mythe des origines

Ces dernières années ont vu de fait toute une floraison de livres s’interrogeant sur l’histoire, l’identité, voire la définition de la nation française, telles les rééditions successivement augmentées de l’Histoire mondiale de la France coordonnée par Patrick Boucheron, ou la Nouvelle histoire de France (2025) sous la direction d’Éric Anceau, auteur par ailleurs d’une Histoire de la nation française. Du mythe des origines à nos jours, également en 2025. Les aspects éventuellement « mythiques » de l’histoire de France, qui remontent au moins au livre de Suzanne Citron, Le mythe national. L’histoire de France revisitée (1987, réédité et augmenté en 2017), suivi en 2020 de celui de Laurent Avezou, Les mythes de l’histoire de France, sont tout autant actuels en 2025 avec Le peuple français. Histoire et polémiques de Gérard Noiriel ou En finir avec les idées fausses sur l’histoire de France de Julien Théry, entre autres. À quoi l’on ajoutera, de Sandrine Mirza et Blanche Sabbah, l’Histoire de France au féminin (dessinée, et augmentée en 2025).

Du fond des âges ?

squelette Néandertal la chapelle aux saints
Ce squelette d’homme de Néandertal découvert en Corrèze (la Chapelle-aux-Saints) est-il un Français remontant « au fond des âges » ? Sans doute pas… © DR

Les réserves que semblent exprimer la plupart de ces ouvrages, œuvres de spécialistes indiscutables, sur l’ancienneté historique du mot « France », signifieraient-elles que notre pays ne viendrait pas « du fond des âges », malgré la célèbre phrase qui, en ouvrant ses Mémoires d’espoir (1970), dernier ouvrage de Charles de Gaulle, revendiquait le contraire ? Certes, l’histoire de l’actuel territoire français commence bien au Paléolithique inférieur avec les premières occupations humaines il y a plus d’un million d’années par de présumés Homo erectus, comme l’attestent un certain nombre d’outils, découverts par exemple près de Béziers ; les premiers restes humains n’apparaissent que par quelques dents, ne datant que d’un demi-million d’années, avant de se faire plus nombreux. Mais on ne pourrait bien sûr pas parler encore de « Français ». D’ailleurs, pas plus au Paléolithique moyen, caractérisé par ces Néandertaliens issus des erectus, qu’au Paléolithique supérieur, avec l’arrivée des premiers Homo sapiens venus d’Afrique, les différentes cultures archéologiques définies par les chercheurs ne coïncident nullement, par excès ou par défaut, avec les frontières actuelles de la France. Au Néolithique, les populations de chasseurs-cueilleurs mésolithiques issues du Paléolithique supérieur sont cette fois totalement absorbées par les colons agriculteurs venus du Proche-Orient, qui parviennent sur notre territoire il y a 8 000 ans environ, à la fois au sud en suivant les côtes méditerranéennes et au nord par le bassin du Danube puis en franchissant le Rhin.

Nos ancêtres les Gaulois

De fait, c’est seulement à partir de l’Âge du fer, c’est-à-dire des Gaulois, que les tenants explicites d’une identité française ancienne font en général remonter « la France ». Mais qui sont les Gaulois ? Pour les archéologues, ils appartiennent à une vaste civilisation, dite celtique, qui s’étend à partir du milieu du dernier millénaire avant notre ère des îles Britanniques à la République tchèque, en passant par la France, le Sud de l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse. Symétriquement, pour Jules César, la Gaule n’est qu’une notion géographique dont il indique, dès les premières phrases de La guerre des Gaules, qu’elle se divise en trois parties « qui n’ont aucun rapport entre elles du point de vue des langues, des institutions et des lois ». Ce n’est que dans la partie centrale que vivraient les Gaulois (Galli) qui, dit-il, s’appellent eux-mêmes Celtes (Keltoi). Il fixe par ailleurs au Rhin, contre toute évidence archéologique, la frontière entre les Celtes et les Germains, car il n’a pas l’intention de pousser ses conquêtes militaires plus loin, pressé de retourner à Rome pour y prendre le pouvoir par la force. Enfin, les sources historiques comme archéologiques indiquent que cette « Gaule » est de toute façon divisée en une soixantaine de petites cités-États (civitates en latin) indépendantes ayant chacune leur monnaie. S’il y a parfois des coalitions guerrières, comme celle menée par l’infortuné Vercingétorix en 52 avant notre ère, elles sont éphémères et de périmètres variables.

La France de Clovis

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Ivoire sculpté (IXe siècle) représentant le baptême de Clovis, Amiens, musée de Picardie. © Wikipédia / Bycro

On se rappellera donc que les Gaulois ne sont « nos ancêtres » que depuis l’école laïque, gratuite et obligatoire de la IIIe République. Auparavant, ces barbares vaincus n’étaient pas des ancêtres très recommandables. Aussi les rois de France descendaient-ils d’un nommé Francion, rescapé de la guerre de Troie, et les aristocrates des conquérants francs ultérieurs. Mais la nouvelle République étant elle-même issue d’une défaite, à Sedan face à la Prusse, celle d’Alésia devenait plus acceptable, d’autant que la colonisation en cours d’une partie de l’Afrique et de l’Asie du Sud-Est venait rappeler en miroir celle de la Gaule par Rome, porteuse finalement de « civilisation » – comme le proclamaient tous les nouveaux manuels scolaires, celui d’Ernest Lavisse en premier. Mais pour certains, « la France » n’aurait vraiment commencé qu’avec Clovis, le « premier des quarante rois qui ont fait la France », et son baptême. Comme l’a bien montré l’historien Bruno Dumézil, ce baptême fut un non-événement dont personne n’a parlé à l’époque, d’autant que la société gallo-romaine était largement chrétienne depuis plus d’un siècle. D’ailleurs, l’empire de Clovis ne comportait pas toute la France actuelle mais débordait largement sur la Belgique et l’Allemagne, et il fut divisé à sa mort en quatre morceaux pour ses quatre fils. L’empire de Charlemagne était encore plus vaste, et fut tout autant divisé entre ses trois petits-fils.

Naissance d’une identité nationale

C’est de ce temps que daterait le plus ancien texte en « français », les Serments de Strasbourg, pourtant parfaitement incompréhensible pour un Français de 2025, tout comme, trois siècles plus tard, la Chanson de Roland. Il faut en réalité attendre la Renaissance pour que se dessine une langue compréhensible aujourd’hui, le français. Cependant, malgré l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, il ne devient la seule langue administrative officielle que sous la Révolution – d’où date aussi le sentiment d’identité « nationale ». Quant au territoire métropolitain actuel, il est le résultat d’un agrandissement très progressif du domaine royal par mariage (la Bretagne), conquêtes militaires (le Midi, l’Est et le Nord, notamment sous Louis XIV), achat (la Corse sous Louis XV) ou échanges de bons procédés (Nice et la Savoie sous Napoléon III, qui perdra en revanche l’Alsace et la Moselle), le dernier agrandissement ne datant que de 1947, avec le canton de Tende – sans compter le domaine ultra-marin, les vicissitudes coloniales et post-coloniales, où la nationalité française n’a été définitivement acquise qu’après 1945. Les Françaises et les Français existent donc bien aujourd’hui, mais pas nécessairement depuis le fond des âges, comme le confirme, grâce aux travaux des historiens et des archéologues, la longue et passionnante histoire des occupations humaines sur l’actuel territoire français.

Pour aller plus loin

Archéologie de la France – Informations, revue co-éditée par le ministère de la Culture et le CNRS [en ligne].
DEMOULE J.-P. (dir.), 2004, La France archéologique. Vingt ans d’aménagements et de découvertes, Paris, Hazan.
DEMOULE J.-P., 2025, La France éternelle. Une enquête archéologique, Paris, La Fabrique.
DEMOULE J.-P. & LANDES Chr. (dir.), 2009, La fabrique de l’archéologie en France, Paris, La Découverte.
DEMOULE J.-P. & SCHNAPP A., 2024, Qui a peur de l’archéologie ? La France face à son passé, Paris, Les Belles Lettres.
GARCIA D., 2021, Les Gaulois à l’œil nu, Paris, Éditions du CNRS.
GARCIA D. (dir.), 2021, La fabrique de la France. 20 ans d’archéologie préventive, Paris, Flammarion & Inrap.
GARCIA D. & BOUIRON M. (dir.), Atlas archéologique de la France, Paris, Tallandier.
GUILAINE J., 1980, La France d’avant la France. Du Néolithique à l’âge du Fer, Paris, Hachette.
MARCIGNY C. & BETARD D., 2012, La France racontée par les archéologues : fouilles et découvertes au XXIe siècle, Paris, Flammarion & Inrap.

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