Avis aux bibliophiles : notre sélection de beaux livres

Christian Galantaris, auteur d’un Manuel de bibliophilie (1998) ayant fait date, signe un nouvel ouvrage de référence pour les passionnés de beaux livres. Une formidable somme, admirablement servie par le ton volontiers facétieux de l’auteur, qui mêle au fil des pages récit historique et savoureuses anecdotes. De l’aveu même de l’auteur, il ne s’agit pas d’un nouveau traité de bibliophilie, mais bien d’un essai d’histoire qui contextualise, depuis le XVI^e siècle jusqu’à nos jours, la passion des livres rares. On y retrouve les femmes de lettres célèbres : Mesdames de Sévigné, de La Fayette et de Staël ; les grands collectionneurs que furent Colbert et Mazarin ; les plus fameux salons et prix littéraires… Organisé en rubriques, notices biographiques de faussaires, bibliomanes, libraires et éditeurs, on y trouve également un lexique détaillant la terminologie de l’amateur éclairé. De la délicate question de certaines éditions princeps légendaires aux aspects techniques de l’édition d’ouvrages rares, en passant par les considérations morales et intellectuelles derrière la démarche de collection de précieux imprimés, le propos fait émerger une véritable chronologie de la bibliophilie, replacée au cœur des réflexions éthiques, sociales et culturelles des diverses époques traitées par Christian Galantaris. Libraire-expert honoraire près la Cour d’appel de Paris, ce collectionneur des plus avisés réalise ici une véritable prouesse, eu égard à l’ambition affirmée de l’ouvrage. En plus de son approche transversale, appuyée sur un grand nombre de documents, de citations, et enrichie d’espiègles digressions, le livre se veut un objet rare : destiné à garnir les bibliothèques de spécialistes et d’amateurs, il est publié en deux éditions limitées, la première à 150 exemplaires sur papier Munken Pure-Crème, la seconde à 500 exemplaires sur papier couché satiné mat. R. B.-R.

Les éditions Gallimard lancent une nouvelle collection de livres d’art ludiques, façon pop-up. Prix réduit, textes accessibles, ouvrages pliables pour faire apparaître une œuvre d’art en trois dimensions… Résolument destinée au grand public, elle propose de faire découvrir, à travers des textes d’historiens de l’art, la vie et l’œuvre d’artistes célèbres. Conçue pour accueillir huit nouvelles publications chaque année, en deux temps (quatre au printemps et quatre à l’automne), cette collection présente ses premiers livres, consacrés à Katsushika Hokusai, Édouard Manet, Vincent Van Gogh et Frida Kahlo. En choisissant ces artistes renommés, aux styles bien distincts et identifiables au premier coup d’œil, Gallimard désire clairement jouer la carte du livre-objet, au fort intérêt visuel : en pliant les pages, le lecteur voit apparaître en relief une œuvre fameuse de l’artiste, prête à être exposée. Pour autant, cette démarche volontiers grand public n’a pas empêché la prestigieuse maison d’édition de confier la rédaction des textes à des historiens de l’art rompus à l’organisation d’expositions et auteurs prolifiques d’ouvrages d’art. Les textes, à la fois riches en contenu et particulièrement agréables à lire, replacent le travail de chaque artiste dans son contexte historique et culturel ainsi que dans sa dimension technique, et retracent, à l’aide de dates et de citations, l’itinéraire de vie de ces personnalités exceptionnelles. Grâce à ces lectures brèves mais instructives, Frida Kahlo, pétrie par l’épreuve de la douleur, Édouard Manet le bourgeois non conventionnel, Van Gogh l’halluciné et le maître de l’ukiyo-e Hokusai sont désormais à la portée des lecteurs de tous âges et de tous horizons : on y découvre leurs cheminements, parfois malaisés, vers le succès et l’accomplissement artistique, mais aussi leur influence, leur postérité et la réception de leurs œuvres au XXI^e siècle. R. B.-R.

Réédité et augmenté, après une première parution en 2020, le Glossaire des termes de bibliophilie et du collectionneur de livres anciens de François Baget est un compagnon idéal pour s’orienter dans les méandres du jargon volontiers « ésotérique » des passionnés de beaux ouvrages. Après Des faussaires en livres anciens et modernes l’an dernier, l’auteur, libraire depuis plus de 35 ans et également connu pour son blog spécialisé Bibliophile Heurtebise, nous invite ici, en 333 entrées, à une exploration de l’art et la manière de collectionner les livres. Le propos entraîne le lecteur au fil des subtilités de ce noble passe-temps, offrant en réalité plus qu’un glossaire, un authentique petit guide méthodologique pour un lectorat désireux de devenir amateur éclairé : les entrées détaillent aussi bien des aspects techniques de l’imprimerie et des arts du livre que des biographies de figures historiques, des ouvrages célèbres ou encore des revues spécialisées. Le tout, fruit de l’expérience de collectionneur et bibliophile de François Baget, forme un ensemble d’éléments concrets, susceptibles d’accompagner ceux qui souhaiteraient apprendre à cataloguer et étoffer judicieusement leur bibliothèque. R. B.-R.

Spécialiste de l’histoire des livres et des bibliothèques du Moyen Âge tardif, Jean-Benoît Krumenacker signe un dense ouvrage sur une période bien singulière de la geste lyonnaise, s’étalant sur un demi-siècle entre la fin du XV^e et le début du XVI^e siècle. Depuis l’arrivée de la première presse mécanique dans la ville, en 1470, jusqu’au constat de la quasi-disparition du manuscrit en 1520, ce moment charnière voit s’opérer une véritable révolution, faisant de Lyon, cité autrefois réputée pour son savoir-faire et son excellence dans l’art des manuscrits enluminés, l’un des principaux pôles de l’imprimerie à l’échelle du continent européen. Comment cette mutation s’est-elle déroulée ? Quels bouleversements a-t-elle entraînés dans l’économie et la culture de la ville aux deux collines ? Jean-Benoît Krumenacker nous fait revivre cette histoire, faite de relations entre ateliers d’artisans, chapitres d’ordres religieux et bibliothèques prestigieuses, au fil d’un propos fouillé et documenté, enrichi d’une douzaine de graphiques et de cinq tableaux offrant de précieuses données au lecteur, le tout formant un panorama précis de cette évolution technique, technologique et culturelle majeure. R. B.-R.

« Maintenon n’est pas un château royal, même si le Roi-Soleil a bien voulu se pencher sur ses transformations. Il est mieux que cela : un trésor national », rappelle l’historien Jean- Christian Petitfils dans sa préface. Cet édifice composite au charme singulier, niché au cœur de la vallée de l’Eure, fait l’objet d’un bel ouvrage admirablement illustré. D’une plume alerte, Claire L’Hoër, normalienne, agrégée d’histoire et souvent autrice dans nos colonnes, retrace avec brio le passé mouvementé du château, depuis les premiers seigneurs du Moyen Âge jusqu’au monument historique ouvert au public, en passant par les turbulences de la Révolution. L’ouvrage fait bien sûr la part belle à Françoise d’Aubigné, devenue marquise de Maintenon puis épouse morganatique de Louis XIV. Le texte s’accompagne de documents anciens (plans, relevés architecturaux, portraits gravés) et de 150 superbes photographies de Guillaume de Laubier (souvent en pleine page) qui invitent le lecteur à se promener dans le parc réorganisé par André Le Nôtre, à admirer les façades de briques et de pierres, à explorer le château pièce après pièce pour en saisir toute la beauté et l’atmosphère sereine… M. E.-B

Ben Durant, historien de l’art, directeur de la galerie et des éditions Quadri installées à Bruxelles, également critique d’art et enseignant, expose et publie Jacques Lacomblez depuis 1995. Né à Bruxelles en 1934, le peintre, dessinateur et poète surréaliste rencontre André Breton en 1958 et participe à l’Exposition internationale surréaliste « Le domaine des enchanteurs » à New York en 1961. Plus récemment, la Wittockiana présentait « Jacques Lacomblez en mots & en images » (2024-2025) et Ben Durant un florilège d’aquarelles. Le présent recueil de souvenirs de l’artiste, recueillis par le galeriste, permet d’entrer dans l’univers haut en couleur d’un créateur attentif aux êtres et au monde. Les anecdotes sélectionnées sont prétextes à intégrer des événements du quotidien – rencontres, éléments biographiques, dialogues, marques d’amitié – dans la grande histoire, celle de l’art du XX^e siècle. Magritte est ainsi « un homme extrêmement directif, doté d’un humour à froid d’autant plus redoutable qu’il l’exerce à ses dépens » ! Elles permettent de faire connaissance bien sûr avec Lacomblez, mais aussi avec les grandes figures du surréalisme, de les accompagner dans leur quotidien et leurs réflexions. M. A.

Véritable couteau suisse, aussi talentueux dans l’édition, la typographie, la gravure, l’illustration que dans l’édition et le journalisme, Maximilien Vox (1894-1974) a durablement marqué de son empreinte le monde du livre en France au XX^e siècle. C’est pour rendre hommage à sa longue et prolifique carrière que L’Échappée présente cet ouvrage dense : les mémoires de Maximilien Vox, complétés par d’autres textes de sa plume, déployant son humour facétieux, ses relations mondaines, ses réflexions graphiques et politiques, ainsi que sa vaste culture artistique et littéraire. Au fil des pages, on retrouve ses nombreux « gourous », artistes et intellectuels avec lesquels il prit tant de plaisir à créer, inventer et rire, à l’instar de René Barjavel, Blaise Cendrars ou Jean Giono. Ces plus de 600 pages sont superbement enrichies de 200 illustrations, parmi lesquelles de très belles photographies d’époque avec ses amis et relations célèbres, des caricatures, des essais de couverture d’ouvrage, des dessins, des croquis ou encore des affiches, témoignant du formidable talent de Vox, pour qui la théorie rejoint toujours la pratique, dans tous les formats et supports du livre. R. B.-R.

Après Mappa naturae et Mappa grafica, le collectif Stevenson propose un nouvel ouvrage, portant cette fois-ci sur les représentations cartographiques de l’Italie. On retrouve dans le bel album Mappa Italiae tous les éléments qui firent le succès des précédentes publications : grande variété de cartes et de documents, passionnantes présentations thématiques et citations de personnages célèbres, impression sur papier épais et grainé, le tout formant un ensemble délicieux à feuilleter. Le livre retrace l’histoire de la cartographie de la péninsule : cartes du Moyen Âge et de la Renaissance, plans de navigations, représentations du relief, des littoraux, mais aussi des reproductions d’œuvres d’art, gravures, affiches, caricatures et autres timbres… La Botte italienne y apparaît dans tous ses états (et États !), avec une superbe sélection de documents d’illustration, dont le propos est complété par de savantes citations de figures majeures de l’histoire italienne, toutes époques confondues, à l’instar de Léonard de Vinci, des écrivains Italo Calvino et Umberto Eco, ou encore des maestri du septième art Michelangelo Antonioni, Federico Fellini et Pier Paolo Pasolini. R. B.-R.